Quartier Baghdad à Guediawaye, Sénégal, 19 septembre 2009

Série « Vivre les pieds dans l'eau »
Élise Fitte-Duval

Quartier Djiddah Thiaroye, Pikine, Sénégal, 7 septembre 2009

Série « Vivre les pieds dans l'eau »
Élise Fitte-Duval

Quartier inondable Djiddah Thiaroye, Pikine, Sénégal, 7 septembre 2009

Série « Vivre les pieds dans l'eau »
Élise Fitte-Duval

Quartier de Grand Yoff, Dakar, 9 septembre 2009

Série « Vivre les pieds dans l'eau »
Élise Fitte-Duval

La photographie comme fait social

Interview avec Elise Fitte-Duval à Dakar, 2014

Cie Jantbi, Toubab Dialaw, 2005

Série « Danser l'espoir »
Élise Fitte-Duval

Rufine Woté, Bamako, 2005

Série « Danser l'espoir »
Élise Fitte-Duval

Fatou Samb, Dakar, 2010

Série « Danser l'espoir »
Élise Fitte-Duval

Bamba Diagne, Dakar, juin 2009

Série « Danser l'espoir »
Élise Fitte-Duval

Série « Lutte »

Élise Fitte-Duval, 2009

Série « Lutte »

Élise Fitte-Duval, 2009

Série « Lutte »

Élise Fitte-Duval, 2009

Série « Lutte traditionnelle »

Élise Fitte-Duval, 2013

On a tendance à dire souvent, qu’en Afrique, les citoyens ne sont pas maîtres de leur destin, que la société civile n’a pas de poids face aux politiques qui ne respectent pas les règles. Je me suis intéressée à l’alter-mondialisme, car je voulais comprendre dans quelle mesure les gens pouvaient se rassembler.

Je ne peux pas esthétiser la personne. J’ai besoin que la personne soit placée dans son environnement, que l’on tienne compte de l’endroit dans lequel elle vit, dans lequel elle bouge.

L’environnement ne m’interpelle pas seulement dans son immensité. Les aspects locaux m’intéressent aussi.

Ce qui réunit mes photographies sur la danse et celles sur la lutte par exemple, c’est que je cherche à capter le mouvement.

LE LIEN ENTRE TOUS MES PROJETS, C’EST L’HUMAIN PRIS DANS SON ENVIRONNEMENT.

Série « Lutte »

Élise Fitte-Duval, 2009

Série « Lutte »

Élise Fitte-Duval, 2009

Série « Portrait d'un mouvement citoyen »

Élise Fitte-Duval, 2011-2012

Série « Lutte traditionnelle »

Élise Fitte-Duval, 2013

Série « Portrait d'un mouvement citoyen »

Élise Fitte-Duval, 2011-2012

Série « Portrait d'un mouvement citoyen »

Élise Fitte-Duval, 2011-2012

Série « Portrait d'un mouvement citoyen »

Élise Fitte-Duval, 2011-2012

Série « Portrait d'un mouvement citoyen »

Élise Fitte-Duval, 2011-2012

Série « Lutte »

Élise Fitte-Duval, 2009

Série « Lutte »

Élise Fitte-Duval, 2009

Fatou Cissé, Dakar, 2005

Série « Danser l'espoir »
Élise Fitte-Duval

LA PERSONNE INDISSOCIABLE DE SON ENVIRONNEMENT

Q Comment définiriez-vous le lien entre tous vos projets ? Entre vos projets sur la danse par exemple, qui sont dans une recherche plutôt formelle et esthétique, et vos projets consacrés à des problèmes environnementaux et sociaux ?
EFD Le lien entre tous mes projets, c’est l’humain pris dans son environnement. Ce qui réunit mes photographies sur la danse et celles sur la lutte par exemple, c’est que je cherche à capter le mouvement. J’étais quelque part dans le mouvement de la photo et j’étais à l’intérieur peut-être même de l’image. Cela donne un certain type de photographie, parce qu’il s’agit d’arrêter un mouvement. Quand il s’agit de photographier un fait social qui n’a pas trait au mouvement et qui raconte un problème – sûrement plus long à photographier que de produire l’image d’un mouvement – je le traite autrement. Le fait de placer le sujet dans son environnement de façon plus frontale permet au spectateur de prendre davantage de recul. Cela permet également à la personne qui photographie, c’est-à-dire moi, de laisser le personnage s’exprimer davantage par un portrait. Quand il s’agit de faire des portraits, je les pense comme des portraits sociaux et non d’un point de vue esthétique. Je ne peux pas esthétiser la personne graphiquement. C’est peut-être possible, mais moi, je ne peux pas. J’ai besoin dans ce type de portrait que la personne soit placée dans son environnement, que l’on tienne compte aussi de l’endroit dans lequel elle vit, de l’endroit dans lequel elle bouge. C’est ça, la différence entre les portraits liés à un contexte social et les images que j’ai réalisées avec les danseurs par exemple.

UNE TENDANCE A CONCEPTUALISER

Q Qu’est-ce qui détermine votre envie de faire une photographie ? L’image elle-même ou le sujet social ?
EFD J’ai tendance à conceptualiser un peu, à voir le monde à travers les analyses que je fais et à ensuite aller chercher les images qui correspondent à mon idée de départ. Donc je peux dire que, par exemple, avec les photographies de danse, je voulais aller à la rencontre des danseurs et montrer leurs lieux et leurs « conditions » de travail. Mais voilà, en allant à la rencontre du sujet, j’ai trouvé des éléments proprement esthétiques et d’autres qui correspondent aux lieux et aux moments de répétition. Cela aurait pu être quelque chose de plus documentaire où l’on montre un danseur, du lever au coucher, ou au dîner, mais ce n’était pas ça. J’étais aussi à la recherche de la danse elle-même. Donc, ça passait aussi par quelque chose de plus esthétique.

SUJETS DOCUMENTAIRES, CHOIX ESTHETIQUES

EFD Avec la série « Vivre les pieds dans l’eau », mon idée est d’aborder un problème récurrent dans les banlieues de Dakar : la pluie. Comme les infrastructures sont inadaptées, les habitants des quartiers subissent des inondations. Tous les ans, des photographes documentent ce problème social et environnemental. C’est un fait d’actualité que j’ai voulu photographier aussi, parce que c’est terrible. En même temps, je voulais montrer les gens, plus que le problème. Montrer des gens qui affrontent un problème quotidien. Esthétiquement, je cherchais la voie qui me convienne. Je voulais que mon sujet soit des gens qui luttent et pas forcément amener les gens à s’apitoyer sur eux-mêmes. Donc, j’ai traité ça par la couleur, et des couleurs assez contrastées. C’est comme ça : d’une part on cherche à montrer un sujet, et d’autre part il y a des envies esthétiques avec lesquelles on essaie de construire le sujet.

CLIMAT: DU GLOBAL AU LOCAL

Q Vous avez réalisé aussi une série photographique sur les journées dédiées à l’impact climatique. Les gens tiennent un point blanc dans leurs mains. De quoi s’agit-il ?
EFD Là, c’était une commande. J’avais participé à une journée internationale sur les problèmes d’environnement. Il y avait plusieurs groupes et chaque groupe choisissait un objet qui soit une façon d’alerter. J’ai choisi le point blanc et l’objectif était de relier ensemble chaque point de la planète. L’environnement ne m’interpelle pas seulement dans son immensité. Les aspects locaux m’intéressent aussi. Par exemple, les inondations sont un problème d’environnement. Dans le cas du Sénégal, je pense que la population n’a pas forcement le recul nécessaire pour pouvoir agir sur son environnement et il faut une action quotidienne pour sensibiliser les gens. Il y a tellement de sujets que l’on pourrait relier à la question de l’environnement ici. Par exemple, le plastique. Il y a des sujets que je n’ai pas pu montrer. Je voulais montrer la sècheresse par exemple, avant de m’intéresser aux inondations d’Alger. Je suis allée dans un endroit où les cultivateurs ne peuvent pas cultiver et où beaucoup de gens sont partis. Nombreux sont ceux qui migrent vers l’Europe, parce qu’ils ne peuvent plus cultiver leurs champs. C’est un sujet que je n’ai finalement pas pu traiter. Avant les inondations, j’ai voulu faire un travail sur la sècheresse, parce que sur douze mois de l’année, parfois il n’y a que deux mois de pluie.
Q Qu’il s’agisse de la sècheresse ou des inondations, vous avez dit que vous voulez montrer des gens qui affrontent un problème, qui vivent dans des circonstances compliquées. Comment les gens réagissent-ils, lorsque vous arrivez en disant que vous souhaitez faire une documentation sur leur situation ? Veulent-ils montrer leurs problèmes ou bien d’abord se montrer eux-mêmes ?
EFD La population du Sénégal est très fière, les gens n’aiment pas être montrés dans des conditions précaires et difficiles, mais dans le cas de cette série « Les pieds dans l’eau », il s’agit d’un sujet d’actualité. Les gens sont conscients qu’il est nécessaire de montrer ce qui se passe, parce qu’ils sont impuissants face à ce problème. Ils sont conscients que c’est un problème qui concerne la communauté, que seules les autorités peuvent résoudre… Se faire prendre en photo, dans ce contexte, était donc aussi un moyen pour eux d’alerter les autorités. J’ai photographié les gens dans leur quotidien, le chef du quartier leur a expliqué un peu, et partant de là, les gens étaient d’accord. Ils ont pu préserver leur fierté grâce à la façon dont ils se présentaient face à l’appareil-photo.

MOUVEMENTS CITOYENS

Q Est-ce un devoir pour vous en tant que photographe que de documenter en images les grands bouleversements sociaux ?
EFD Je ne sais pas si c’est un devoir. On a tendance à dire souvent, qu’en Afrique, les citoyens ne sont pas maîtres de leur destin, que la société civile n’a pas de poids face aux politiques qui ne respectent pas les règles. Je me suis intéressée à l’alter-mondialisme, car je voulais comprendre dans quelle mesure les gens pouvaient se rassembler. Les élections au Sénégal [en 2012] ont été un moment riche pour observer si les citoyens ont pu avoir un poids sur la politique ou pas. Ce sont des questions que je me pose, je suis donc allée faire un reportage. Quelque part, c’est un peu comme avec la danse : je me laisse porter par le mouvement, je me suis laissée porter par les événements. En mars 2011, des manifestations ont commencé à avoir lieu, et cela jusqu’en mars 2012 pour les élections, donc pendant à peu près un an. Au départ, je voulais suivre les groupes organisés sur le modèle de mouvements citoyens. Le premier dont j’ai entendu parler était « Y’en a marre » qui semblait vraiment mener des projets d’actions citoyennes et qui avait un discours de changement. Les mentalités des populations doivent changer si l’on veut qu’elles s’approprient et qu’elles respectent le bien commun. Il a fallu faire du porte-à-porte pour que les gens, par exemple, nettoient ensemble leurs quartiers. Il s’agissait donc vraiment d’actions citoyennes. En ce qui concerne les élections, il y a eu également des actions pour inciter les jeunes à s’inscrire sur les listes électorales. Les projets menés par le groupe « Y’en a marre » correspondaient le plus à l’idée que je me faisais d’un mouvement citoyen. Ensuite, il y a eu des actions plus directement politiques, c’est-à-dire des actions qui ont provoqué le mouvement du 23 juin à la suite d’un événement politique. Une énorme manifestation s’est formée dans tout le pays. Les gens se sont rassemblés devant le parlement pour empêcher le président sortant de proposer une loi lui permettant d’être réélu avec seulement 25% des suffrages, et, en même temps, d’avoir un paquet présidentiel au sein duquel il serait président avec un vice-président élu en même temps que lui, avec seulement 20% des voix. Ce projet de loi a provoqué un énorme mécontentement et, de cela, est sorti un deuxième mouvement qui s’appelait le « M 23 ». Cet autre mouvement ne correspondait finalement pas totalement à l’idée que je me faisais d’un mouvement citoyen. C’était un mouvement de réaction et de lutte politique. Au départ, je voulais donner un visage à ces citoyens qui luttaient, et, au fur et à mesure, mon travail s’est transformé en une chronique des manifestations actuelles. A partir du 23 juin [2011], les manifestations ont eu lieu une fois par mois, jusqu’à la campagne. A côté des manifestations, il y a aussi les actions initiées par le mouvement « Y’en a marre ». Et à partir de janvier 2012, les manifestations se sont intensifiées. La forme du photoreportage s’est imposée à ce moment-là.

Interview réalisée à Dakar, Liberté 6, 18. 06. 2014
Par Bärbel Küster, Marion Jäger, Marie-Louise Mayer, Alicia Hernandez-Westpfahl

Élise Fitte-Duval

photographe

vit et travaille à Dakar,
Sénégal

*1967

biographie