Série « L'usure du temps »

Ibrahima Thiam, 2010

Série « L'usure du temps »

Ibrahima Thiam, 2010

Clichés d'hier, Saint-Louis

Ibrahima Thiam, 2015

Clichés d'hier, Saint-Louis

Ibrahima Thiam, 2015

La chambre noire en partage

Interview avec Ibrahima Thiam à Dakar, 2014

Installation « Les gardiens du temple »

Ibrahima Thiam, 2014

Série « L'usure du temps »

Ibrahima Thiam, 2009

LE REFLET EST UN TEMOIGNAGE.

DANS MON TRAVAIL, JE PRATIQUE L’INSTALLATION ET LA PHOTOGRAPHIE.

Je développe ma pratique autour de la photographie contemporaine et des archives photographiques.

Les moyens les plus simples me suffisent pour créer des images tout entières pénétrées de mystère, une sorte d’au-delà présent et familier.

Série « Reflet »

Ibrahima Thiam, 2014

Série « Reflet »

Ibrahima Thiam, 2014

Série « Reflet »

Ibrahima Thiam, 2010

Série « Reflet »

Ibrahima Thiam, 2010

Série « Reflet »

Ibrahima Thiam, 2010

Série « Portrait Vintage », Dakar

Ibrahima Thiam, 2016

Série « Reflet du miroir »

Ibrahima Thiam, 2013

Série « Portrait Vintage », Saint-Louis

Ibrahima Thiam, 2016

Série « Reflet »

Ibrahima Thiam, 2014

Vue de l’installation « Clichés d'hier », Bamako

Ibrahima Thiam, 2015

LE RESPECT DU REFLET

: Quelle est l’origine de votre série Reflets ?
IT La série Reflets est apparue à Saint-Louis, en 2010, avec les problèmes d’inondation. Natif de cette ville, c’est quelque chose qui m’a touché. La population surtout a rencontré de gros problèmes, et moi, en tant que photographe, je ne pouvais pas venir les photographier comme ça. Je ne voulais pas rentrer dans leur intimité et le reflet était là pour moi. Le reflet était un témoignage de cette inondation. Dans cette série, je m’inscris dans une démarche de photographie plasticienne. Dessiner et peindre avec la lumière en montrant le vécu quotidien. Je me tourne vers le sujet de l’environnement et de la sensibilisation aux ressources naturelles. Ces photographies s’intéressent à la nature comprise comme lieu de ressources spirituelles et dénoncent les phénomènes qui la mettent en péril. Avec ces photographies, je veux mettre en évidence la perspective des hommes dans leur environnement.
La photographie en tant que medium exploite ce sujet à travers divers langages artistiques, tout en réclamant son rôle d’acteur social. L’œuvre questionne le monde tant sur le plan écologique, politique, social, que spirituel. Dans cette série Reflet, par un effet de lumière sur l’eau, il s’agit de sortir de l’obscurité pour aller vers la lumière avec des éclats de reflets. Je montre la réalité, je peins des images déformées aussi bien que des rêves, je pose des questions et j’invente des fantaisies utopiques et ludiques. L’inversion du reflet permet de remettre « à l’endroit » en quelque sorte le réel, et surtout les personnes, qui une fois photographiés retrouvent ainsi leur orientation naturelle. De plus, chacun peut s’identifier grâce à l’absence d’identité : une lecture de tout un monde.

PEINDRE AVEC LA PHOTOGRAPHIE

: Vous qui êtes autodidacte, vous croisez plusieurs genres, plusieurs moyens d’expression artistique. Comment cela est-il venu ?
IT J’ai pu m’exprimer à travers la photographie. Mon premier apprentissage visuel était la peinture, et je me suis dit que l’on peut peindre avec l’appareil-photo. J’aime la peinture, et avec l’appareil-photo, on peut peindre. Après mes études en économie, je me suis consacré à la photographie suite à un atelier durant le Mois de la photographie à Dakar en 2009 avec le Goethe-Institut.  Dans mon travail, je pratique l’installation et la photographie. Je me suis familiarisé avec l’histoire de l’art en rencontrant des artistes plasticiens et visuels. A travers la photographie, je veux montrer la transversalité des mediums d’expressions.

COLLECTER, COLLECTIONNER LES IMAGES

: Comment avez-vous constitué votre collection d’anciennes photographies ?
IT J’ai commencé à m’intéresser à ces photographies, les vieilles photos d’albums, quand j’étais petit. J’ai toujours gardé cette collection-là avec moi. En 2009, quand j’ai commencé à faire de la photographie, j’ai fait des recherches sur l’histoire de la photographie africaine et j’ai réalisé que les photographies de ma collection faisaient partie de l’histoire de la photographie africaine. J’ai entamé une collecte d’images à partir des archives de ma famille, puis j’ai commencé à chiner d’autres images au gré de mes découvertes. Je développe ma pratique autour de la photographie contemporaine et des archives photographiques. Autodidacte, je continue un travail de collecte entamé depuis mon enfance, ce qui a contribué à forger mon imaginaire tout au long de ma vie.

MEMOIRE ET ARCHIVE VISUELLE

La photographie peut être un miroir pour l’humain, et c’est surtout vrai dans le cas du portrait. Durant le 20e siècle particulièrement, Saint-Louis a connu, à l’instar de quelques autres villes au Sénégal, une riche production photographique dans les studios-photos de l’époque. La série de portraits titrée « Vintage », pour sa relation au passé, interroge la notion de souvenir, et même de réminiscence, pour certaines générations. Elle est composée d’anciennes photographies chargées d’histoire(s), d’émotions et de temps-durée, qui peuvent inviter à un véritable voyage dans le passé.
Aujourd’hui, ces images constituent une archive visuelle, donc mémorielle, et elles sont des sortes « d’objets-témoins ». A mon propre niveau, ces images captivent mon attention et m’inspirent la volonté de leur donner une seconde vie, à travers une démarche artistique, de création. Ces photos anciennes sont un pan non négligeable du patrimoine saint-louisien et sénégalais. Dans ce travail précisément, j’essaie de combiner des photographies d’archives avec des images du présent.

INSTALLER LE MIROIR DANS LA RUE

: Pourquoi mettre un miroir dans la rue et le photographier ? Pensez-vous ce geste comme une installation ?
IT Je pose un miroir dans la rue pour imiter la photographie. Comme s’ils voyaient une image photographique, les gens viennent et regardent ce miroir posé là sur le trottoir. Et ça, c’est quelque chose qui m’intéresse aussi que de voir comment les gens sont attirés par l’image reflétée par un miroir. La photographie est, quelque part, comme un miroir pour l’humain. Je comprends cette situation comme une confrontation, le fait de le mettre dans la rue.
: Et comment ça se déroule ? Vous posez le miroir quelque part dans la rue et les gens viennent ? Il y a du monde ? Qu’est ce qui se passe ?
IT  Quand j’installe le miroir, les gens viennent et veulent par exemple se regarder dans le miroir. Mais il y a des gens aussi qui le voient et passent. Ce que je photographie, c’est l’après, l’environnement. Parce que c’est quelque chose qui me permet de percevoir mon environnement, c’est comme l’appareil-photo. Parce que la photographie c’est ça : ça me permet de m’exprimer, et en même temps, de percevoir mon environnement. Ce qui m’intéresse dans le miroir, c’est le hors-cadre. Le fait de cadrer. Pas de cadrer avec mon appareil-photo, mais de cadrer à l’extérieur de mon appareil-photo, avec le miroir.

ORDINAIRE ET MYSTERE

: Avec votre série L’usure du temps, vous vous êtes intéressé à la question de la mémoire dans son rapport aux choses quotidiennes. La photographie est-elle un médium privilégié pour observer le passage du temps ?
IT L’usure du temps est une série inspirée de sujets très ordinaires, je considère les sujets quotidiens comme un équivalent visuel du « langage ordinaire ». La photographie s’est trop appuyée sur des sujets « privilégiés » : personnalités célèbres, événements dramatiques, lieux exotiques. Avec cette série, je montre le monde ordinaire qui semble être hors de tout sujet « obscène » au sens premier du terme, prenant comme modèle mon environnement de chaque jour. Les moyens les plus simples me suffisent pour créer des images tout entières pénétrées de mystère, une sorte d’au-delà présent et familier.
Avec L’usure du temps, il s’agit de montrer que la photographie ébranle la réalité plus qu’elle ne la confirme, elle peut faire croire tout et rien car « il est possible de concrétiser toutes les images que nous avons dans l’esprit ». Ces images décrivent avec subtilité le processus complexe du passage d’un état à l’autre, de la destruction à la récréation, de la disparition à la renaissance, dans un éternel recommencement. Cette série montre que la nature vue par l’appareil-photo est différente de la nature vue par l’œil humain. Elle photographie le presque rien, le banal et incite à ralentir, et à retenir, l’instant.

MISE EN SCENE AVEC DES OBJETS

: Pourriez-vous parler un peu de cette installation que vous aviez présentée au Goethe Institut de Dakar [Juin 2014] sur les gardiens ?
IT Il s’agissait d’un projet intitulé Les gardiens du temple. Je n’ai pas voulu prendre en photo les gardiens car je ne voulais pas rentrer dans leur intimité sociale. Alors j’ai eu l’idée de faire cette installation : d’être moi, en tant qu’artiste, le gardien, de partager cette expérience avec les gardiens en faisant la même chose qu’eux. J’ai rassemblé tout un tas d’accessoires et d’objets qui font le quotidien du gardien : la chaise, les allumettes, le fourneau, le thé qui est toujours prêt à être bu. Et ensuite, il a fallu mettre tout ça en scène. 

Interview réalisée à Dakar, Librairie Athéna, 20. 06. 14
par Bärbel Küster et Marion Jäger

Ibrahima Thiam

photographe

vit et travaille à Dakar,
Sénégal

*1976

biographie