Entre l’éloge et l’image

Julien Bondaz

 

Au Mali comme au Sénégal, à l’occasion des cérémonies heureuses, baptêmes ou mariages, qui rythment la vie des habitants, il n’est pas rare de voir se bousculer autour des parents ou mariés, en s’invectivant parfois, des griots et des photographes. Parmi les nombreux participants à la cérémonie (famille élargie, voisins et autres invités), ces spécialistes de la parole et de l’image se pressent en effet, selon les cas, autour de l’enfant, de ses parents ou des nouveaux mariés. Les griots (jeli en bambara, géwal en wolof) s’approchent pour déclamer les éloges des familles concernées par l’heureux évènement. Les photographes cherchent à faire les meilleurs portraits de famille ou de couple. Ils sont de plus en plus souvent associés à des cameramen, qui complètent la prise de vue photographique par une captation vidéo de la cérémonie. Les griots de la famille sont évidemment présents, mais d’autres se joignent à eux, à la recherche de quelques billets. De même, au photographe généralement recruté par la famille pour un « reportage » (selon le terme en vigueur en français d’Afrique) s’en ajoutent d’autres, ambulants, venus tirer le portrait des hôtes et des invités. Pour eux, la moto est souvent de mise, tant pour suivre le cortège que pour retourner rapidement au laboratoire photographique où ils feront développer, en une heure, les photos prises au début de la fête, avant de revenir les proposer à la vente au plus vite (course de vitesse dont dépendent leurs gains). Griots et photographes se pressent ainsi autour des hôtes, et parfois se bousculent, se reprochant réciproquement de ne pas céder la place : il faut que les éloges des uns se fassent entendre, que les autres puissent avoir le temps de la prise de vue avant que quelqu’un ne passe devant l’objectif. Chacun tente de faire au mieux son travail, de gagner ici, de fête en fête, de quoi vivre. À cela s’ajoutent les tristes aléas de l’actualité : au Mali, griots et photographes ont subi les conséquences de l’état d’urgence décrété au lendemain de l’occupation du Nord du pays, en 2013, et qui a duré sept mois. Les festivités, et notamment des cérémonies de mariage, suspectées de troubler l’ordre public, ont été interdites.

La concurrence ordinaire entre griots et photographes, telle qu’elle s’observe lors des cérémonies, dans la bousculade et l’effervescence de la fête, n’est jamais grave. Les paroles des griots sont d’ailleurs parfois enregistrées lors de la captation vidéo, de nouveau entendues lors du visionnage du CD vidéo (VCD) ou du DVD, avec les amis ou les personnes n’ayant pu être présentes lors des festivités, et s’inscrivent ainsi dans la mémoire de la fête grâce aux technologies audiovisuelles. Les photographies, quant à elles, sont le plus souvent achetées à l’unité par les invités ou rassemblées dans d’épais albums en plastique pour les parents du nouveau-né ou les nouveaux mariés. Le passage au numérique favorise cependant de nouveaux formats : le photographe propose ainsi, sur VCD ou sur d’autres supports numériques, un diaporama de photographies parfois retouchées et agrémentées d’éléments décoratifs (motifs floraux, cœurs entrelacés ou autres vignettes romantiques tirées de banques d’images numériques). De même que, à partir du début des années 2000, les cassettes audio et vidéo ont peu à peu cédé la place aux CD et aux VCD, admirer les reportages de baptême ou de mariage pour se ressouvenir revient désormais de plus en plus souvent à insérer un disque dans un lecteur. Au-delà de concurrences circonstancielles, les affinités entre le travail des photographes et celui des griots trouvent ici une première expression : dans cette communauté de support – qui n’est déjà plus inédite – entre le son et l’image. De même, à l’heure des nouvelles technologies de communication, la multiplication des smartphones permet aux invités de produire et de conserver eux-mêmes des souvenirs à la fois audio et visuels de la fête. Mais d’autres affinités apparaissent également dans cette rencontre entre griots et photographes autour de ces moments de sociabilité festive et de ces rites de passage que sont les baptêmes et les mariages. 

Photographes et musiciens : une histoire en partie conjointe
L’histoire de la photographie en Afrique de l’Ouest est celle de l’introduction, puis de la banalisation, d’une nouvelle tradition figurative basée sur des procédés technologiques en constant perfectionnement. Il ne s’agit évidemment pas d’un surgissement des images préexistant à la photographie sous diverses formes, parmi lesquelles la sculpture sur bois est la plus connue. On aurait tort en effet de considérer que les sociétés ouest africaines (le Mali et le Sénégal, pour ce qui nous concerne ici) seraient uniquement des sociétés de tradition orale. Comme l’a noté l’anthropologue Carlo Severi, « l’opposition tradition orale/tradition écrite non seulement est peu réaliste – ne tenant guère compte de situations intermédiaires où les techniques graphiques complètent l’exercice de la parole sans se substituer à lui –, mais elle repose aussi sur une symétrie fallacieuse. En effet, nombreuses sont les circonstances où, bien que la mémoire sociale ne semble s’appuyer que sur la parole dite, le rôle de l’image est constitutif du processus de transmission des connaissances[1] ». Avant de devoir composer avec les photographes, les griots partageaient déjà avec les sculpteurs la maîtrise de techniques de la mémoire, orales pour les uns, visuelles pour les autres. Et si les sculptures anthropomorphes étaient généralement idéalistes et donnaient à voir des valeurs morales davantage que des traits physiques, certaines traditions sculpturales de portraits personnels, voire réalistes, ont existé avant l’arrivée de la photographie[2]. Il convient ainsi d’inscrire dans une continuité historique le travail des photographes qui poursuit, par d’autres moyens, celui de certains sculpteurs. Pour autant, la capacité (supposée) de la photographie à saisir instantanément le réel introduit un nouveau rapport au temps et de nouvelles représentations de soi. Elle participe ainsi à l’émergence de processus d’individuation inédits (bien que l’expérience photographique se soit en partie retrouvée intégrée aux conceptions locales de la personne, autour de la notion de « double »).

Si l’histoire de la photographie en Afrique de l’Ouest débute dans le contexte des explorations puis de la conquête coloniale, c’est-à-dire à la même époque qu’en Europe, au milieu du XIXème siècle, la photographie de portrait connaît un engouement au sein des élites locales à partir des années 1940[3]. En lien avec cet engouement, les baptêmes et surtout les mariages deviennent l’une des occasions importantes de se faire photographier. Les couples nouvellement mariés ou les jeunes parents posent non seulement dans les studios des premiers photographes maliens et sénégalais, mais ces derniers se rendent également sur place lors des fêtes, avec une chambre 13x18. À partir des années 1970, l’allègement du matériel favorise les vocations de photographe et l’apparition de la figure du photographe ambulant (ou « photographe de rue »), qui gagne sa vie en proposant des photos d’identité minute, mais en allant aussi de cérémonies en cérémonies. L’installation au début des années 1980 de laboratoires photographiques spécialisés dans les tirages couleur en Afrique de l’Ouest a favorisé le travail de ces photographes ambulants, qui n’avaient plus à assurer eux-mêmes le développement de leurs clichés[4].

L’histoire de la musique au Sénégal et au Mali rejoint, par certains aspects, l’organisation du travail photographique. Les premiers studios d’enregistrement, qui remettent en cause le rôle central et le monopole de la radio dans la promotion des musiciens, datent des mêmes années 1980 (Mali K7 en 1988 est le grand studio bamakois de l’époque). Dans une certaine mesure, les relations des photographes aux laboratoires photographiques et celles des griots aux studios d’enregistrement posent la même question de la segmentation de la chaîne de production et de la délégation de certaines compétences à des techniciens spécialisés. L’insertion dans des réseaux de sociabilité qui faisait jusque-là partie des compétences des spécialistes de la parole et de l’image se double alors de nouveaux enjeux relationnels avec des professionnels de ce que l’on pourrait appeler la postproduction, qui conduisent une reconfiguration du marché local sous la forme de filières artistiques, puis de connexions transnationales toujours plus nombreuses. Cette segmentation du travail favorise la requalification des griots et des photographes en musiciens professionnels et en photographes d’art, et donc l’apparition de nouveaux mondes de l’art.

Griots et photographes : des activités requalifiées
À partir des années 1980 en effet, l’activité de certains griots ou photographes se retrouve requalifiée et l’on assiste à l’apparition de la double figure du musicien professionnel et du photographe d’art. La notion de scène musicale ou de scène photographique rend compte de la spectacularisation et de l’artification de pratiques jusqu’alors considérées comme « traditionnelles » ou « artisanales ». Opposer ces pratiques à d’autres plus « modernes » ou plus « contemporaines » conduirait cependant la réflexion à une impasse, tant ces processus articulent des aspects sociaux et culturels complexes et tant les acteurs concernés conjuguent généralement des pratiques différentes en fonction des circonstances, des opportunités ou des stratégies personnelles. Comment comprendre cependant le succès musical de ces fameux griots que sont, par exemple, Bako Dagnon, Babani Koné, ou, plus connu encore, Habib Koité, qui sont passés des cérémonies de mariage bamakoises aux salles de spectacles occidentales ? Comment comprendre que certaines photographies de mariage soient devenues des photographies d’art (celles de Seydou Keita, Malick Sidibé ou d’Oumar Ly, pour prendre là encore quelques exemples fameux) ? Lors de la première Biennale de la photographie africaine, en 1994, les jeunes photographes ambulants de Bamako n’ont ainsi pas compris la requalification artistique et la revalorisation marchande des photographies de famille de leurs maîtres et aînés, et ont fait entendre leurs revendications dans un « Appel de Bamako[5] ».

Une comparaison entre la requalification artistique des photographies et celle des sculptures montrerait que le marché de la photographie présente de fortes similitudes avec celui de « l’art primitif » (catégorie éminemment problématique qui continue cependant d’être en vigueur chez de nombreux collectionneurs occidentaux[6]), mais ne permettrait pas de comprendre celui de la musique, dont les logiques sont en grande partie différentes. La question du piratage par exemple n’a guère à voir avec la problématique des copies. Sans minimiser ces logiques marchandes qui produisent la valeur des photographies ou favorisent l’émergence d’un tube musical, un ensemble d’autres facteurs permet d’expliquer l’émergence conjointe des figures du musicien professionnel et du photographe d’art. L’approche biographique, qui permet de saisir la carrière des griots ou des photographes, rend par exemple compte du rôle souvent central que jouent des acteurs locaux ou extérieurs, généralement hommes de prestige ou de pouvoir, qui offrent aux uns leur première guitare ou les moyens financiers d’enregistrer une première cassette ou un premier CD, aux autres un appareil photographique (argentique ou, depuis les années 2000, numérique). Ces acteurs extérieurs sont souvent présentés comme des découvreurs dotés, selon les cas, d’une bonne oreille ou d’un bon œil, autrement dit d’attributs distinctifs réputés mystérieux – un peu à la façon de certains responsables magico-rituels. Autant que l’éloquence, le talent individuel, la beauté des mots et des images, les biographies des photographes ou des griots, les contextes historiques et culturels, la vie sociale des récits et des images qu’ils produisent expliquent que certains d’entre eux soient requalifiés en artistes, que leur travail soit reconnu comme une activité artistique. Comme le dit en substance le photographe malien Dago dans l’entretien mené par Bärbel Küster et ses étudiants [insérer un lien ici vers l’interview de Dago], la qualification artistique des photographies (il évoque d’ailleurs les photographies de baptême et de mariage) est d’abord le fait d’acteurs européens qui découvrent – ou mettent en scène la découverte – des photos de famille anciennes, c’est-à-dire d’archives intimes. L’histoire conjointe de la photographie et de la musique africaines est ainsi celle d’une appropriation de techniques, mais aussi de codes et d’émotions liés à ces techniques[7]. Elle s’inscrit dans l’histoire plus large et plus globale, qui reste en grande partie à écrire, de l’appropriation de la notion d’art et des mondes qui produisent l’art comme valeur culturelle et marchande.

L’accès aux scènes artistiques des griots et des photographes sénégalais ou maliens est également étroitement lié aux réseaux de sociabilité dont ils bénéficient. L’extension ou les divers branchements de ces réseaux au niveau international sont une part d’explication importante. Les voyages des griots les plus célèbres, en France et aux États-Unis en particulier, leur confèrent un important prestige, de même que les expositions ou les résidences des photographes à l’étranger. Le griot wolof Ablaye Mbaye Pekh, qui anime la fête annuelle des mourides de New York, chaque 28 juillet, est un cas exemplaire de mobilisation de réseaux transnationaux[8]. Certains photographes et griots « nouvelle génération[9] » deviennent ainsi des acteurs des diasporas ouest africaines, nouvelles figures du cosmopolitisme culturel et artistique que produit la globalisation. Le voyage et les espaces de réception en Europe et aux États-Unis accroissent la valeur de la production de ces photographes et de ces griots migrants. L’autonomisation plus grande de ces activités favorise également l’émergence des femmes sur les scènes musicales et photographiques. Alors que le griot musicien a pendant longtemps joui d’un prestige plus grand que celui de la griotte chanteuse (le couple de griots fonctionnant souvent ensemble), des figures féminines se sont peu à peu détachées et ont accédé à la célébrité indépendamment du succès de leur mari[10]. De même, la photographie a peu à peu cessé, depuis la fin des années 1990, d’être une activité exclusivement masculine.

Ces mutations expliquent que des logiques de distinction soient parfois mises en avant par les musiciens professionnels ou les photographes d’art. Elles reposent en grande partie sur l’appropriation de catégories occidentales (la world music, la photographie d’art) et rendent ainsi compte des transferts culturels qui mettent à disposition de nouveaux moyens de valorisation de l’activité des acteurs locaux et orientent les discours vers les qualités esthétiques et formelles de leur production. L’opposition entre photographie alimentaire et photographie artistique est par exemple récurrente. Dans les entretiens publiés sur la plateforme « Photographie et oralité », Amadou Sow la résume en ces termes dans son entretien : « Ceux qui font de la photographie alimentaire, c’est ceux qui vivent du mariage, du reportage, de couvertures. Mais ceux qui sont dans la photographie artistique, c’est ceux qui vivent des expositions, des conférences, des ventes des images. » Dans une telle logique, les photographies de mariage sont présentées comme n’ayant pas grand-chose à voir avec celles qui sont exposées dans les galeries ou vendues aux amateurs occidentaux (alors même qu’un processus de requalification historique a transformé certaines d’entre elles, comme on l’a vu, en photographies d’art). Une même logique distinctive existe entre les griots qui animent les cérémonies de baptême et de mariage et les musiciens professionnels. Cette opposition rejoue celle que les grands griots traditionnalistes ont parfois établie entre leur activité d’historien et de généalogiste et les nouveaux usages de la parole ou les activités jugées mercantiles de leurs cadets. Les prises de position de Massa Makan Diabaté et de Banzumana Sissoko sont notamment fameuses et laissent deviner une certaine nostalgie[11]. En réalité, dans un cas comme dans l’autre, on observe moins des catégories figées et distinctes que des continuums d’acteurs qui se situent entre un pôle social et un pôle artistique, entre un pôle marchand et un pôle esthétique. Le témoignage de la photographe sénégalaise Fatou Kandé Senghor est révélateur. En insistant sur les difficultés qu’elle rencontre pour faire des photographies personnelles et artistiques lorsqu’elle est invitée à des mariages et qu’elle se retrouve sollicitée pour photographier mariés, parents ou invités prenant la pose, elle indique parfaitement la porosité des catégories des acteurs et les variations des points de vue de ses proches sur sa propre activité. Nombre de griots et de photographes se retrouvent ainsi dans des situations intermédiaires : confrontés à des contraintes sociales ou économiques ou inscrits dans des stratégies personnelles de conciliation, voire de création, ils articulent pratiques artistiques et reportages à l’occasion des fêtes. 

Parole et photographie : deux régimes mémoriels
Les affinités entre griots et photographes, telles que les cérémonies de baptême ou de mariage les révèlent, donnent enfin à voir la rencontre de deux régimes mémoriels, généalogique ou historique pour l’un, testimonial pour l’autre. Alors que les chants et les déclamations des griots articulent récits généalogiques et éloges des participants aux cérémonies, les photographies sont produites comme marqueurs présentiels destinés à se transformer en souvenirs fragmentés et partageables. Dans l’exercice de la parole comme dans le travail de l’image, il s’agit également d’acter, de performer le rite de passage : l’inscription de l’enfant dans une filiation lors du baptême, l’alliance entre deux familles que célèbre le mariage. En outre, dans de nombreuses cérémonies de mariage, la remise de présents aux heureux mariés est également photographiée et, de plus en plus souvent, filmée. Les échanges de présents, temps fort des cérémonies, focalisent ainsi la double attention des griots qui vantent la générosité des invités et des photographes qui conservent la trace visuelle et quasi comptable des dons effectués. L’achat des photographies relève également de dons et de contre-dons quasi rituels, les images circulant entre les participants à la cérémonie ou étant offertes à ceux qui ne pouvaient être présents. Les séances de visionnage des albums de photographies ou des films, organisées après la cérémonie, généralement à l’initiative de la mariée, fonctionnent à la fois comme remémoration de la fête et comme reproduction différée du rite, donnant lieu à des commentaires variés, à des jugements qualitatifs[12]. Rejouant les sociabilités festives affichées lors de la cérémonie, et notamment les sociabilités féminines, elles transforment le souvenir en objet partagé, donc social. Pour reprendre l’analyse classique de Pierre Bourdieu, « la photographie de mariage est un véritable sociogramme et lue comme telle[13] ».

De cette manière, le photographe, en prélevant un fragment visuel du réel, inscrit l’évènement photographié dans l’histoire d’une façon assez similaire aux effets de la parole du griot. Comme l’a en effet noté Cornelia Panzacchi : « Il se définit un lien de complémentarité entre la parole du griot et l’action. C’est en appréhendant l’événement et en le décrivant que la parole permet l’intégration de celui-ci à l’histoire[14] ». Ce rapport à l’histoire peut d’ailleurs avoir une conséquence dans le rapport du griot aux photographies. C’est du moins l’idée défendue par Simon Njami, pour qui ces dernières « constituent la matière à partir de laquelle le griot écrira, dira son histoire. Elles sont les preuves qui – malgré leur immatérialité évidente – nourriront la légende soudain transformée en vérité intemporelle. Et la parole du griot, historien et artiste, nous enserre, nous hypnotise et nous confirme dans un ancrage clanique dont nous aurions pu légitimement douter[15] ». Les rapports des griots et des photographes à l’histoire, les régimes d’historicité que révèle leur travail, indiquent deux modalités complémentaires de production des individus et des groupes sociaux. Les affinités entre l’éloge et l’image se comprennent en effet moins dans l’espace festif qui fournit l’occasion d’une rencontre que dans la production d’une mémoire qui soit complète, intégrale, à la fois orale et visuelle, personnelle et sociale. Les musiciens professionnels et les photographes d’art partagent en fin de compte de semblables affinités, mais sur d’autres scènes, ajoutant à la double dimension personnelle et sociale une prétention ou une attention à l’universalité.

 

Julien Bondaz, maître de conférences, université Lumière Lyon 2, département d'anthropologie

 

NOTES

[1] Carlo Severi, « Warburg anthropologue ou le déchiffrement d’une utopie. De la biologie des images à l’anthropologie de la mémoire », L’Homme, n° 165, 2003, n° 165, p. 77-128 ; citation p. 77.

[2] C’est notamment le cas des « masques portraits » appelés ndoma chez les Baoulé (voir Susan M. Vogel, Baule. African Art, Western Eyes, New Haven, Yale University Press, 1997, p. 100 et 157).

[3] Pour plus de détails sur cette histoire, voir Erika Nimis, Photographes de Bamako de 1935 à nos jours, Paris, Éditions Revue Noire, 1998.

[4] Jean-François Werner, « Les tribulations d’un photographe de rue africain », Autrepart, volume I, n° 1, 1997, p. 129-150.

[5] Jean-François Werner, art. cit., p. 148.

[6] Érika Nimis, « Bamako : une photographie contemporaine à géographies variables », ETC, n° 85, 2009, p. 19-23.

[7] Brigitte Derlon et Monique Jeudy-Ballini, « Introduction. Arts et appropriations transculturelles », Cahiers d’anthropologie sociale, n° 12, 2015, p. 9-23.

[8] Ousmane Oumar Kane, The Homeland Is the Arena. Religion, Transnationalism, and the Integration of Senegalese Immigrants in America, New York, Oxford University Press, 2011, p. 155.

[9] Bassi Kouyaté et Vincent Zanetti, « La nouvelle génération des griots », Cahiers d’ethnomusicologie, n° 6, 1993, p. 201-209.

[10] Mamadou Diawara, « Le griot mande à l’heure de la globalisation », Cahiers d’Études africaines, vol. 36, n° 144, 1996, p. 591-612.

[11] Cheick Mahamadou Chérif Keita, « Jaliya in the modern world. A tribute to Banzumana Sissoko and Massa Makan Diabaté », in David C. Conrad and Barbara E. Frank (ed.), Status and Identity in West Africa. Nyamakalaw of Mande, Bloomington-Indianapolis, Indiana University Press, 1995, p. 182-196.

[12] Pour le cas du Sénégal, voir Ismaël Moya, De l’argent aux valeurs. Femmes, économie, parenté et islam à Thiaroye-sur-Mer, Dakar, Sénégal, Thèse de doctorat en anthropologie, Paris, EHESS, 2011, p. 251-254.

[13] Pierre Bourdieu (dir.), Un art moyen. Essai sur les usages sociaux de la photographie, Paris, Les éditions de Minuit, 1965, p. 43.

[14] Cornelia Panzacchi, Der Griot. Seine Darstellung in der frankophonen westafrikanischen Literatur, Rheinfelden, Schäuble Verlag, 1990, p. 46 (cité par Isaac Bazié, « Corps perçus et corps figurés », Études françaises, vol. 41, n° 2, 2005, p. 9-24).

[15] Simon Njami, « L’écrivain, le griot et le photographe », in Anthologie de la photographie africaine et de l’Océan indien, Paris, Éditions Revue noire, 1998, p. 20-23, citation p. 23.