LE PROJET
Depuis les années 1990, la photographie contemporaine d’Afrique de l’Ouest a gagné une reconnaissance sur la scène artistique internationale. Expositions, catalogues et publications ont donné une visibilité à de nombreux photographes. Néanmoins, la connaissance de ces artistes et du contexte de production de leurs œuvres reste encore limitée, c’est pourquoi la forme de l’interview est apparue comme la plus adaptée pour en apprendre davantage. L’équipe du projet « Photographie et oralité » est partie à la rencontre d’une vingtaine de photographes afin de pouvoir discuter directement avec eux de leur travail. Au fil des dialogues menés à Dakar et à Bamako, la question de l’oralité dans son rapport à la photographie – et inversement – s’est révélée centrale. Ces entretiens apportent un éclairage sur la situation artistique locale et internationale des photographes tout en soulignant les enjeux esthétiques impliqués par la question de l’oralité des sujets dans la photographie, tant au plan de la conception que de la réception.


Cette publication en ligne se comprend comme un lieu rassemblant les voix des photographes à travers des interviews filmées entre 2011 et 2014 qu’accompagnent leurs travaux photographiques. Des curateurs, des artistes et des chercheurs viennent commenter, analyser, mettre en perspective la parole des photographes au moyen d’articles, de contributions orales ou de vidéos. Dans le cadre du projet, des expositions ont été organisées en Allemagne, au Sénégal et au Mali, ainsi qu’un workshop en 2014.

PHOTOGRAPHIE ET ORALITÉ
Si l’image photographique n’utilise pas directement les mots – qu’ils soient écrits ou parlés – elle est sans cesse confrontée au langage. Les rapports entre l’image photographique et l’écriture ont fait l’objet de nombreux débats, mais le lien actif de la photographie aux pratiques orales, ainsi que l’omniprésence de la communication verbale, sont restés jusqu’ici peu abordés.

La photographie a la particularité de communiquer au-delà des barrières sociales, historiques et culturelles. Elle relativise l’usage de la lettre et de l’écriture. Elle associe des images et des récits. « Ce qui fait le lien entre les images, ce sont des histoires que je n’ai jamais vécues – ce sont des histoires qu’on me raconte, des histoires comme des rêves » – déclare Fatoumata Diabaté à propos de ses séries photographiques.

LE CADRE DES DISCUSSIONS
En 2011, Bärbel Küster, professeur en histoire et théorie de l’art, s’est rendue à Dakar et à Bamako avec un groupe d’étudiants en art et en histoire de l’art. Un travail préparatoire a permis de définir les champs thématiques à discuter avec les photographes : le lien entre le marché local de l’art en Afrique de l’Ouest et le marché globalisé de l’art, la place de la Biennale de Bamako, les commentaires des artistes sur leurs propres travaux et leur contexte de travail – comme la position de la photographie dans la société par exemple.

Les interviews ont été réalisées dans des lieux principalement publics (institutions culturelles) mais aussi privés (ateliers, domiciles des photographes), à Dakar et à Bamako, et en Allemagne. La communication a été facilitée par le fait que les photographes dialoguaient dans une atmosphère informelle avec les étudiants, en partie improvisée. Toutes les interviews ont été réalisées en français. Le fait que les photographes parlaient avec des étudiants allemands a permis d’instaurer un climat d’égalité linguistique, car bien souvent, personne ne parlait dans sa langue maternelle. En outre, la présence d’étudiants en art pendant les interviews a rendu possible un échange autour de problèmes spécifiquement artistiques. En 2014, un séjour à Dakar avec un autre groupe d’étudiants a permis d’ouvrir le champ thématique du projet aux formes de la narration dans la photographie, notamment dans le contexte de la communication quotidienne.

D’autres rencontres ont eu lieu pendant l’hiver 2014/15 à l’occasion des expositions au Stadthaus de Ulm en Allemagne, au Village des Arts à Dakar, au Goethe-Institut à Dakar et à l’Institut Français de Saint-Louis au Sénégal. Afin de renforcer les discussions amorcées, un workshop a été organisé à Stuttgart autour de la question de l’oralité auquel ont participé également des photographes allemands.

Staatliche Akademie der bildenden Künste Stuttgart